Il est parfois intéressant d'écrire au féminin. Voici un texte écrit il y a belle lurette que j'ai eu envie de parodier. Voici :
Lettre à Henry
"Si seulement mes pensées pouvaient t’abandonner par moments.
Il y a trente-deux ans d’ici, tu fus mon élève, celui-là même qui hante mon esprit de femme trop mûre maintenant pour oser espérer une quelconque fusion de ton corps avec le mien, meurtri par les traces flagellantes et outrageantes du temps passé.
Tu es arrivé un matin dans ma classe de cinquième, tu t’es assis nonchalamment sur ta chaise, comme une hirondelle qui aurait atterri sur le toit printanier de ma maison.
Ton beau visage lisse et parfaitement arrondi fit s’arrêter mon regard sur un jeune homme au teint frais, à l’expression certaine qu’ont ces adolescents qui savent déjà que l’amour leur est promis.
Je t’en veux, oh oui, je t’en veux de t’être montré à moi de cette façon.
Ce grand regard fixe qui exprimait la curiosité de ceux qui s’extasient devant chaque acte de la vie, les gestes osés et précis qu’ont parfois les vrais libertins de la pensée qui se voient surfant ivres sur les phrases légères des textes qu’ils ont écrits, cette voix chaude et profonde sortie de tes lèvres que personne ne voulait faire taire, tellement on aimait s’y suspendre, tout cela me faisait sans cesse penser aux douze années qui me séparaient de toi.
Et pourquoi a-t-il fallu que dans ce lieu même où mon amour grandissant pour toi ne pouvait s’exprimer que par le ton neutre sur lequel je t’interrogeais, pourquoi a-t-il fallu que tu choisisses une fille de ton âge, t’asseyant à ses côtés à chacun de mes cours en prenant cet air que mon cœur blessé ressentait comme narquois ?
Lorsque tu parlais, je pâlissais, et mes joues, qui espéraient ce baiser impossible venu de tes lèvres si rouges que j’en imaginais les traces sur le visage de cette fille, mes joues perdaient leur teint rosé et se confondaient avec la couleur terne des murs qui nous entouraient et derrière lesquels j’avais envie de me réfugier, et de t’oublier.
Et quand tu demandais : " Madame, quel est le subjectif passé du verbe naître ? ", si tu savais à quel point ces " Madame " me fouettaient la chair et le sang et m’insultaient…Pourquoi donc étais-je ton professeur, ton aînée, pourquoi donc ma jeunesse à moi ne pouvait-elle pas rejoindre la tienne ?
Depuis, tu es devenu écrivain, je le sais, et un des meilleurs en plus. Et tu continues à tourmenter mon âme, la blessant un peu plus à chaque nouveau roman que tu publies. Mon cœur saignera-t-il à jamais ?
J’ai heureusement quelque réconfort à lire tes livres qui sont si beaux et qui me font un peu oublier cet amour à jamais interdit entre la sexagénaire que je suis et l’homme que tu es devenu.
Cher Henry, je te hais parce que je t’aime…mais je promets de t’oublier."
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Dans un mélange wallon-français-québéquois parlé par les jeunes de banlieue, ça nous donne :
M'Cher gamin
"Si j'pouvais t'oublier un peu
Y a quat' piges, t'étais m'gamin préféré dans ma classe. J'te kiffais grave, mais j'étais trop vieillotte pour toi.
T'as atterri dans m'classe de 5ème, t'as pris place sur t'chaise et tu m'as tout d'suite donné chaud au ventre.
J'te regardais encore au-d'ssus de la braguette, mais je savais qu't'avais déjà des grosses envies.
Pourquoi qu't'es venu m'tenter?
Ton regard ténébreux qui r'lookait dans tous les sens giratoires dès qu'des jupettes passaient, tes propos salaces qu't'écrivais même au tableau quand je sortais pour m'faire une ligne, ta voix suave que j'pensais qu'tu m'appelais, tout ça pour me dire d'aller voir ailleurs si y'avait pas un vieux con qui m'attendait.
Et puis, y avait cette guenon à côté d'toi qui m'fixait tout l'temps. J'comprenais pas bien, jusqu'au moment où elle a mis s'main là où j'voulais met' aut'chose.
Chaqu'fois qu'tu causais, j'croyais qu'c'étais pour m'filer un rancard..et j'me tapais la honte à chaqu'fois.
Quand tu me demandais : "Madame, comment c'est qu'on écrit le verbe 'être'?", j't'en voulais d'me vouvoyer parcque j'aurais bien voulu êt' ta meuf.
J'sais pas comment qu't'as fait pour écrire un bouquin qui m'fait tellement rire et qu'j'ai r'lu quinze fois au moins. T'es vraiment trop.
M'cher gamin, j'te kiffe vraiment grave mais j'vais effacer ton nom qu'j'ai gravé sur le mur de ma chambre. Y a mon homme qui m'pose tout l'temps des questions."
(traduction par L. Gera. Prière de s'adresser à lui pour toute réclamation)
Promis! Je ne recommencerai plus. Disons que c'était pour le fun